Prélude à la vie

La nuit s'égrenait, heure après heure. Ils s'étaient embrassés longtemps, partageant les derniers moments ensemble. Leur amour était si puissant. Leur complicité était sans faille. Elle l'avait rassuré, lui renouvellant son amour. Meme la naissance toute proche ne changerai rien.. Toute la soirée, ils avaient parcouru la ville de long en large à la recherche de poupées. Les horreurs vues n'avaient pas réussi à lui faire oublier une sourde angoisse. Il en fallait beaucoup pour l'effrayer, combattante aguerrie depuis si longtemps, son sang froid leur avait sauver la vie plus d'une fois. Mais la.. face à face avec elle-même, tout était différent.

Elle se redressa sur un coude et l'observa longtemps. Il dormait, un sommeil réparateur. Elle était fière de lui. Avec lui, elle pouvait se montrer femme et non se revêtir de ses habits d'ombre. Elle grimaça, une douleur sourde dans son ventre tendu lui rappela la naissance toute proche.

Sans bruit , elle quitta leur couche et rejoignit la petite alcôve de leur chambre. Un berceau recouvert de soie, couvert de peluches plus douce les unes que les autres, un fauteuil à bascule, une petite commode peinte avec amour, la prêtresse replia encore une fois les vêtements minuscules veillant à ne rien oublier. Elle s'assura aussi que son linge était prêt. Elle espérait n'avoir rien oublié.
Au fond du tiroir quelques papiers étaient refermés de son sceau de cire: Une lettre pour son diable d'homme, plusieurs pour son enfant et un testament qu'elle avait veillé à faire valider. Elle se coupa une mèche de cheveux et la glissa dans la petite liasse.
Non pas qu'elle avait peur, deux precautions vallaient mieux qu'une seule et elle voullait que.. que quoi? Elle secoua la tête et referma le tiroir, se refusant à cette éventualité.

Eclairé par la lune, elle regarda la dernière rune. Elle semblait la narguer.. Que se passerait-il? Viendrait-il? Il hantait ses nuits depuis si longtemps mais jamais elle n'avait cédé, se refusant dans ses cauchemars, protégeant inlassablement leur enfant.

Elle avait fait prévenir sa belle-soeur, elle serai là sans nul doute. La jeune Ikbal, Najàh aussi surement, l'exorciste dont elle ne retenait jamais le nom.. la sage femme.. tout semblait prêt.. Mais l'était-elle vraiment?

Nayah se réveilla en sursaut et en sueur, une main crispée dans les draps, un cri muet sur les lèvres. Elle tremblait légèrement alors que les réminiscences de son cauchemar semblaient la narguer de quelques souvenirs fugaces. Elle chassa d’une main malhabile les images de Rand, un rictus mauvais sur le visage, et se leva.

Demain, sa Khadin mettrait sûrement son enfant au monde. Un moment de joie et de peur, d’exaltation et peut être de combat. Un démon ! Elle n’en avait jamais vu mais se tiendrait prêtre à l’affronter avec courage, elle protègerait le bébé, sa Khadin et son Shah… Dans son cœur, la tempête faisait rage. Elle avait le choix entre aimer un homme qui en aimait une autre plus que tout, ou un elfe qui semblait enfermé dans ses souvenirs.

La jeune femme soupira profondément, mieux valait se lever et s’occuper ! Elle caressa son ventre déjà arrondi et regarda son bureau où ses affaires étaient rangées. Jouer avec les poisons, elle avait abandonné pour le moment, trop de risque pour l’enfant ! Elle allait donc s’entraîner à se fondre dans les ombres ! C’est ainsi qu’elle se retrouva dans le couloir à éviter les gardes et les quelques serviteurs qui lutinaient parfois dans les coins sombres, pour le moment elle semblait invisible et silencieuse…

Elle s'était recouchée, sentant enfin le sommeil arriver.. C'était sans compter sur leur enfant qui en avait décidé autrement.. Lui était réveillé et le lui faisait savoir de la façon la plus agacante soit-il..

Elle se leva donc et sorti de leur chambre à pas feutrer, souriant au garde pour le rassurer.
Quelque instants passèrent et elle remontat les escaliers , un pichet d'eau citronnée et quelques fruits sur un plateau.

L'espace d'une seconde Neige qui rodait dans les couloirs grogna alertant sa maîtresse.
Une ombre venait de traverser le couloir. Elle sourit, Nayàh progressait et semblait avoir autant de mal qu'elle à trouver le sommeil.

Nayah se figea. Le grondement lui avait presque hérissé les cheveux sur la tête, cette louve avait un sacré odorat ! Elle esquissa une moue quelques instants puis décida de ressortir dans la lumière, souriant à Mystiruis mais se tenant à distance raisonnable de sa gardienne lupine.
Un garde qui passait par là fut quelque peu surpris et rougit de confusion et de honte de n’avoir pas repérer cette diablesse de petit bout de femme qui, nuit après nuit, leur damnait le pion.

Elle calma Neige d'un simple geste. Mais celle-ci était déjà en train de lécher la main de Nayàh, mordillant juste un peu.

- Je vois qu'elle commence à s'habituer à ta présence. C'est bon signe.
J'espère que le sommeil ne te fuit pas.. Tu as besoin de force et de repos.

La Khàdin semblait un peu plus calme en la présence de la jeune femme. Elle aussi se faisait à sa présence entre ses murs. Il fallait reconnaitre que son aimé savait trouver les mots.

- Mais que fais tu donc à errer dans ces couloirs?

Nayah sourit, rassurée de voir la louve qui l’acceptait. Elle lui gratouilla le museau tout en cherchant son carnet dans les voiles de ses jupes. Elle cherchait, cherchait mais… ne trouva rien, elle avait dû l’oublier dans sa chambre.
D’un air désolée, elle regarda Mystiruis, pour communiquer çà allait être moins simple ! Elle pencha la tête sur le côté, comme réfléchissant, puis passe une main sur son front en mimant une grimace, plutôt comique d’ailleurs, et passa son autre main sur son ventre doucement rebondi.

- Ho je vois.. je comprends ce que tu recens. Si tu as besoin de quoi que ce soit, hésite pas à demander. J'avais un gros defaux durant ces mois.. une envie de sucrerie à des moments plutot bizarre. La cuisinière en préparait un peu plus, et les gardait dans un endroit que le Shah ignorait. Il aurai raler si il avait su.. enfin je crois, à moins qu'il n'ai rien dit et juste veiller de loin à mon poid.
Enfin.. la preuve : ce plateau. Mais peut-être en veux tu? L'eau est encore fraîche et les fruits sont juteux. J'ai appris à les aimer lors d'un bref séjour lointain dans vos régions.

Elle souriait et parlait doucement, ne voullant pas réveiller son démoniste. Il aurai lui aussi besoin de force dans les heures à venir

La jeune femme hocha vigoureusement la tête, faisant voler voile et chevelure ébène autour de son visage. Elle avait faim et s’en rendait compte maintenant que son regard se posait sur les fruits qui ne demandaient qu’à se faire croquer. D’ailleurs, son ventre se manifesta d’un gargouillement caractéristique, la faisant rougir d’embarras
Elle s’approcha, attrapa une pêche qui lui faisait de l’œil et y mordit avec appétit, fermant les yeux sous le soudain soulagement qu’elle ressentait !

Elle faillit éclater de rire, se retenant juste à temps et déposa le plateau sur une des petites tables du couloir, leur servant un verre de limonade et savourant à son tour un des abricots.
Visiblement elles avaient aussi faim l'une que l'autre.
Une légère douleur lui rappela que le moment était proche, elle se crispa juste une seconde avant de reprendre un attitude calme et serein.

- Dans peu de temps, cette maison raisonnera du cris de nos enfants

Le visage de Nayah s’épanouit un peu plus d’un sourire radieux. Il y a un an de cela, rien ne lui aurait fait douter qu’elle mettrait au monde un bâtard dans une maison inconnue qui devenait un peu plus chaque jour, la sienne aussi.
Elle pris le verre plus délicatement que la pêche et savoura la limonade, s’installant en tailleurs sur l’un des deux fauteuils qui entourait la petite table. Elle avait remarqué la douleur fugitive dans l’attitude de la Khadin, mais elle savait que c’était normal, tout ce qu’elle pouvait faire c’était la soutenir et elle espérait que sa présence là, cette nuit dans ce couloir, lui était d’un quelconque secours.

Elle prit la main de Nayàh, et la déposa sur son ventre tendu, juste à l'endroit où l'on pouvait sentir une main ou un pied s'agiter. Elle sourit, tendresse mélee de douceur de partager cet instant avec la jeune femme. Elle la considerait presque comme sa fille, tant l'écart avec Arcanià était minime. Elle savait qu'il en etait autrement, c'etait ainsi et l'une et l'autre devait bien finir par s'apprivoiser.

- Merci d'être la.. Les heures à venir m'inquiètent. Trop de questions sans reponse, trop de flou dans nos têtes..

Elle ouvrit la bouche, un peu surprise mais vraiment très attendrit. Son visage s’adoucie, elle semblait attentive à chaque mouvement qu’elle sentait sous sa main et de plus en plus émerveillée. Elle se languissait de voir la petite bouille du bébé, se languissait de sentir la même chose dans son ventre… Elle regarda la Khadin, les yeux pleins de tendresses et d’affections et lui prit sa main, la serrant de manière à la soutenir, à lui assurer que tout irait bien, qu’elle ferait tout pour çà.

Etouffant un baillement, le sommeil reprenant ses droits, elle se leva.

- Il est temps de retourner dormir, il se fait tard, ma puce. Prend le plateau si tu veux, je crois que je vais dormir d'un sommeil de plomb

Elle embrassa Nayàh sur le front et se dirigea à pas très lents vers la porte de leur chambre