[627 - Quatrième mois] L'Art de l'Alchimie

La poudre d'encens, lentement, comme une pluie argentée, se mêlait à l'ambre chaude. Une odeur capiteuse s'élevait des nuages infimes échappés du petit monticule qui, tour après tour, dans une danse lascive et envoûtante, s'étalait, se dissipait, se diluait en particules à peine perceptibles, noyées dans l'ambre qui fondait en absorbant cette délicieuse poussière d'étoiles.

La flamme léchait le lourd creuset de fonte dans lequel tournait la baguette de verre, menée d'une main douce et inlassable, à la fois habile et patiente, trahissant une expérience que ne remplaçait aucune science même excessivement érudite. L'encens se dissolvait, s'immisçait au cœur du miel d'ambre en libérant des fragrances entêtantes, capiteuses, alourdissant les sens en un puissant tourbillon de langueur.

Un pétale de rose libéré se posa sur la surface, contact d'abord infime dans les vapeurs épaisses. Puis il y adhéra, se tordit sous les soupirs de cette pâte amoureuse qui se languissait de l'accueillir en son sein. La chaleur le déforma, d'abord sur ses bords tendres, puis il s'enflamma subitement dans un nuage de cendres chaudes pour mieux s'insinuer lentement au cœur du mélange, glissant à l'intérieur des sillons irisés pour mieux se laisser entraîner par la spirale voluptueuse, au sein de cette alchimie aux notes lascives. Sur les lèvres du creuset brûlant, une écume fine frémissait d'impatience.

Et sous l'effet de cette flamme qui le torturait de ses ardeurs audacieuses, sous le joug de cette barre de verre impérieuse qui lui tournait les sens en rondes infinies... monta lentement au cœur du mélange cette bulle grondante, puissante, généreuse, gorgée de ces effluves qui coulaient sans retenue sur ses parois luisantes de gaz incandescents. Alchimie merveilleuse qui se joue des frontières de la perception, elle gonfla encore et soudain, inexorablement, monta vers la surface pour venir éclater, libératrice, et troubler encore cette surface creusées de profonds sillons en projetant en tous sens l'essence même de son être... et disparaitre, évanescente, fragrance ultime accessible aux seuls maîtres de ce creuset magnifique.

Sous l'égide de la rose, au plus intime de cette tendre alchimie, le miel d'or et le tapis d'encens s'étaient mariés : une étoile était née.