Souffle chaud

Un etouffement, un chaleur intense, insupportable, le vide sans fond sous pied et le rire démoniaque à en arracher les entrailles.

Elle sursauta, les brumes du cauchemar la tenaillant encore. La tête lui tournait, elle avait soif. Tout semblait si réel et pourtant si lointain.
Son corps était en sueur mais elle grelottait. Sa main effleura l'ecorchure toute fraiche. Il n'avait rien vu, elle n'avait rien dit. Ses préoccupations étaient ailleurs.

Elle ne voullait pas le partager, l'idée qu'une autre ne le touche lui donnait des envies de.. Mais, elle ne voullait pas non plus laisser cette enfant, seule, sans aucune protection.. Cruel dilemne. Et son homme qui comprennait sans comprendre.. et Nayah qui trouvait ca naturel..Elle n'etait pas née de la dernière pluie. Resentir les choses sans les savoir était, pour les uns un don mais pour elle.. il est des choses qu'on ne prefere pas savoir.. Bien sur, elle serait son épouse, elle regnerait sur elles.. Elle chassa ses pensées Quelque chose n'allait pas, elle le sentait mais était incapable de le situer. Ce cauchemar.. ce rire..

Elle soupira et posa ses pieds sur le tapis épais. Cette soif.. Avec prudence, elle se leva, elle ne voullait pas les réveiller, elle entendait leur respiration régulière. Au loin un hurlement strident se fit entendre, Neige rodait. Pas à pas , elle descendit les marches, elle avait l'impression que le sol se derobait sous ses pieds.. non juste une impression. Et cette soif..la gorge lui brulait. A taton, dans le noir, à peine éclairée par la lune, elle souleva la lourde pierre. Elle but longtemps, avidemment, l'eau fraîche lui faisait du bien et puis ... une douleur sourde, intense, lui vrilla le bas du dos, lui coupant le souffle ... et elle crut encore entendre ce rire..


Il se réveilla en sursaut, sans doute sous l'effet d'un souffle plus frais là où il attendait la tiédeur du corps de son aimée. Déjà sur un coude, il écoutait les bruits de la nuit. A côté, sur la terrasse, Nayâh respirait régulièrement, mais de Mystiruis il ne percevait aucun signe.
Il était déjà presque assis sur le rebord du lit, quand un bruit léger parvint jusqu'à lui. Et il la vit enfin,
là, dans le recoin où ils conservaient l'eau fraîche dans une double enveloppe de terre cuite. Il ne l'avait pas remarquée tout de suite car elle s'était enroulée dans le drap, et c'est sans doute ce qui l'avait éveillé. Elle y avait droit : ils n'étaient pas seuls. Mais ce détail l'attrista tant il appréciait de la sentir libre de corps mais aussi d'esprit, nue comme au premier jour, non pas
simplement pour être plus disponible à l'ivresse de l'amour mais comme un signe de leur profonde complicité, de leur entente sans fard et sans nuage, sans faux-semblants.
Une ombre envahit son regard tandis qu'il s'allongeait de nouveau, pensif, en l'attendant.
Elle souffrait, c'était l'évidence. Elle souffrait et, pour ne pas que lui ne souffre, elle tâchait d'ensevelir ce qui ne pouvait pas mourir : sa culture, ses émotions de femme, sa tendre possessivité qui faisait partie de son charme. Il se sentait... traître à leur union sacrée.

A la lueur de la lune, elle ne bougeait pas, attendant que la douleur s'estompe, la respiration difficile. Elle but encore, sa soif ne semblait pas s'attenuer.
Elle frissonnat.. de peur? de douleur? de? etrange sensation, ne pas savoir discerner et ce rire qui raisonnait encore une fois. Elle passa un peu d'eau fraiche sur l'ecorchure, sur son visage, son cou. Elle ne se rappelait pas son origine.. et puis enfin à pas lent, elle se retourna, surprise de sentir une nouvelle douleur dans le dos, elle ferma les yeux et patienta quelques secondes.
Il la vit se figer plusieurs fois et se dressa sur les coudes pour mieux l'observer. Elle était magnifique. Dans les profondeurs de la nuit, sa chevelure blanche dessinait une virgule étonnante, masquant partiellement sa silhouette pour mieux la révéler. Mais elle se crispait, il le sentait, et se demandait aussi pourquoi elle avait si chaud. Alors il s'assit et la regarda, attendant qu'elle le remarque

Elle secoua la tete comme pour remettre ses esprits en place, s'enroula dans le draps et fit les quelques pas qui la separait du lit. Alors, seulement, elle le remarqua et croisa son regard.

- Zut, en ce moment j'ai l'art de te reveiller.. pardonne moi
- "Viens ma flamme, tu as besoin de te reposer. Tu as mal ?"
-"j'ai juste.. très soif..et une sensation étrange.. tu n'as pas entendu ce rire? Rendors toi.. un cauchemar rien de plus

Elle se crispa un instant, alors qu'elle se blottissait contre lui, s'efforçant de ne pas penser à cette douleur omniprésente.

Comme elle le tenait à l'écart... Ce constat lui fit mal. Et pourtant c'est une main très douce qui vint se poser sur le ventre douloureux, le massant très doucement en longs mouvements circulaires, très doux, très tendres, tandis que bientôt, de sa main libre, il écarta sa lourde chevelure pour poser ses lèvres sur sa nuque rafraîchie.
Il chassa de son mieux le sommeil car il voulait absolument lui consacrer autant de temps qu'il le faudrait pour apaiser les blessures de son coeur. Longuement la main balaya de ses pressions très douces le ventre rebondi de la prêtresse tandis que le bras passé sous la tête avait cherché une main pour y entrelacer leurs doigts.

-Ne t'inquiètes pas, ca va passer.. J'ai fais un cauchemar mais.. ca semblait si reel.. et puis j'ai du me faire une ecorchure sur le bateau.. je t'aime, essaye de dormir.

Elle entrelaça ses doigts aux siens, les serrant très fort, presque à leur faire mal. Elle le suivit dans son massage, sentant leur enfant bouger plus que d'habitude, refoulant cette douleur au fond de son esprit.