Au sommet de la liberté

Ce soir il me vient une idée, ce soir si on pensait un peu à nous. On s’est toujours beaucoup aimé mais sans un jour sans s’occuper de nous. Ce soir il me vient des idées. On a toujours bien combattu, défendu nos valeurs, on a souvent eu peur de ne pas y arriver. Maintenant si on pensait à être heureux. Tu as le droit de te reposer maintenant. Je te reparlerai d’amour. Nous revivrons nos jours heureux. Et jusqu au bout je ne verrai que toi. Le temps n’a pas changé mon cœur pour ça. Tels étaient les mots murmurés, à peine chuchotés par ce chevalier au regard de braise.

Il l’avait conduite haut dans les montagnes, la où la glace, le vent et le froid font l’amour avec le bleu du ciel infini. Ici, les terres gelées au vent, les nuages noirs qui viennent du nord colore la terre, les lacs, les rivières. Ici, Akhy avait construit de ses mains un abri dans le secret de tous. Loin du tumulte des villes, loin du sang des combats, avec patience, il avait fait de cette simple cabane un nid douillet, un endroit où il fait bon vivre. Ici il avait tanné ses plus belles fourrures, il avait amené quelques meubles soigneusement choisis. Il était parvenu à retrouver quelques objets leur ayant appartenus : Un peigne de nacre rose, une brosse sertie d’or et de pierres précieuses, quelques parfums subtils, un service de table portant leur armoirie.

Il l’embrassa avec une tendresse infinie, envahissant sa bouche, la goutant avec délice. Il en tremblait presque. Depuis longtemps il avait peur de la décevoir, il craignait de la brusquer, de la forcer. Il avait trop conscience du changement dans son corps de femme. Depuis des mois il se battait à ses côtés. Il avait fermé les yeux sur cet abbé. Il savait qu’elle avait besoin de lui. Il ignorait juste jusqu'à quel point. Elle le retrouvait en secret, il le savait et ne disait rien. Il enfouissait son orgueil au plus profond de son âme.

Jour après jour ils avaient lutté. Nuit après nuit il avait veillé sur elle, refusant de sombrer dans le sommeil, la peur de se reveiller lui-même sans son identité. Il était ZielAkhmön El Abd El-Jabar , serviteur de la Force. Il en avait passé des nuits à se le répéter inlassablement.
Il respectait son voile, il ne savait que trop ce dont le Roi Liche était capable, son propre dos lacéré, sa main broyée, le lui rappelait sans cesse. Il était parvenu longtemps à le cacher mais force était de constater la difficulté au fil du temps. Ils étaient vivants, seul cela comptait.

Après tout cet Abbé y arrivera-t-il peut-être Songea-t-il , alors qu’il installait leur chevaux dans l’écurie, à l’abris du froid, des loups et des ours.
Peu de temps avant il avait déposé un dernier baiser sur le nez de sa Naphrat, la laissant découvrir cet endroit qui était le sien. Pour rien au monde, il n’aurai osé lui avouer sa propre anxiété.

Appuyé sur la lourde porte de chêne, il alluma sa pipe et en respira longtemps le parfum un peu amer, l’observant à travers la vitre dans la lumière chaude et douce.